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Quercus sapiens

Homo et Quercus, c’est l’histoire d’un long cheminement côte à côte, que les artistes, les écrivains, les scientifiques et les historiens ont très abondamment conté dans leurs œuvres. Il y est question de bénéfices réciproques, d’émerveillement partagé, de respect mutuel, mais aussi de compétitions et de luttes fratricides. Depuis que les premiers hommes modernes  européens ont vénéré Quercus comme Axis mundi, les chênes leur ont réciproquement fait honneur en pourvoyant à leurs besoins alimentaires, matériels, culturels et mystiques. Et depuis cette relation intime s’est renforcée et a transgressé les âges jusqu’à notre époque. Sur leur passé respectif et partagé, tout a été dit ou presque, mais leur avenir demeure pour l’instant un domaine inexploré. Que réserve l’évolution biologique pour Quercus et Homo ? Après tout, ils font face au même défi évolutif, comme toute espèce vivante, qui est de se maintenir et de survivre quels que soient les aléas, les climats, et le cours de l’histoire.  Partant de ce pied d’égalité, il convient de s’interroger sur les atouts et stratégies propres à Homo et à Quercus qui leur permettront d’affronter ce défi évolutif. La démarche peut paraitre incongrue et serait sans doute contestée par la communauté scientifique au prétexte de confusion des genres, mais la comparaison aura le mérite de reconsidérer notre place dans l’évolution contemporaine.  On objectera sans doute que les particularités biologiques d’Homo et de Quercus rendent illégitimes au plan scientifique toute comparaison, mais c’est oublier que certaines propriétés intrinsèques des espèces, quelles que soient leurs places dans la pyramide écologique, conditionnent leur évolution et leur adaptation. En caricaturant,  pour survivre, il vaut mieux être nombreux, diversifié, prolifique et capable de disperser ses gènes.

 

La démographie

 

Sans faire un recensement à l’échelle de la planète, la comparaison au niveau du territoire français suffit à l’inégalité démographique gigantesque entre nos deux espèces. Un rapide calcul basé sur des statistiques de surfaces forestières métropolitaines suggère qu’il y a plus de 5 milliards de chêne sessile en France, et plus encore pour le chêne pédonculé.  Il y a donc 150 fois plus d’arbres (chênes sessile et chênes pédonculé confondus) que de personnes humaines en France

 

La diversité

 

Homo sapiens est désespérément seul et n’a plus d’espèce partenaire congénérique (appartenant au même genre). Les chênes, quant à eux, se sont toujours maintenus associés à d’autres espèces et cohabitent à plusieurs espèces dans les mêmes forêts. L’exemple qui nous est le plus familier est le couple Chêne sessile-Chêne pédonculé en Europe. Mais la mixité spécifique des forêts de chêne est générale à l’échelle de l’Hémisphère Nord. 

 

Au-delà de la diversité spécifique, la diversité génétique présente à l’intérieur d’une espèce, mérite aussi d’être considérée vis-à-vis de l’évolution future d’Homo et de Quercus. Là encore les chiffres sont sans appel. La disponibilité de séquence de référence des génomes chez les deux espèces nous permet aujourd’hui de comparer leur diversité. Selon les études et les statistiques utilisées les rapports du niveau de diversité génétique entre Quercus robur (ou Quercus petraea) et Homo sapiens varient de 5 à 10. Non seulement, ils sont plus nombreux, mais ils sont plus différenciés entre eux !

La reproduction

 

Faut-il vraiment faire un calcul numérique pour évoquer l’étonnante fécondité d’un chêne. Le nombre de glands cumulé sur la vie d’un arbre se chiffre en centaines de milliers. Que d’opportunités pour la sélection naturelle d’œuvrer !

Mais sa faculté à se multiplier est encore plus manifeste quand on y ajoute son aptitude à se reproduire végétativement. Même les catastrophes extrêmes (tempête, feu..) ayant occasionné la destruction de toutes les parties aériennes des arbres ne peuvent les extirper inexorablement. Il leur reste toujours la capacité de se régénérer par rejet de souche.

 

Les échanges géniques

 

Difficile de rivaliser avec Homo pour les brassages génétiques, qui ont continuellement façonné génétiquement les populations humaines. Certes les chênes dispersent leurs gènes aussi, principalement par nuage de pollen, mais à de moins longues distances. 

Mais la différence n’est pas dans les brassages intra espèce. La différence essentielle réside dans les brassages entre espèces. L’hybridation interspécifique est la règle chez les Quercus. Elle a été particulièrement bénéfique à chacun des partenaires au cours de l’histoire. Bien souvent une espèce a facilité la dispersion d’une autre. Dans d’autres situations, l’hybridation a contribué à l’adaptation d’une autre espèce à des conditions nouvelles qui ne lui étaient pas favorables.

En résumé, la caricature a des vertus quand elle révèle des évidences. Il vaudrait peut-être mieux que les chênes se préoccupent de la conservation d’Homo sapiens que l’inverse. Malgré sa technologie et sa maitrise du monde physique, il n’est pas sûr qu’Homo ait toutes les ressources nécessaires pour pouvoir se maintenir aussi aisément que son partenaire Quercus.  Ce discours devrait inciter Homo à plus d’humilité et de modestie sur notre planète, et de vivre en meilleure intelligence et cohabitation avec ses voisins  qu’il s’agissent de chênes ou d’autres organismes.  A l’inverse, reconnaissons l’ingéniosité évolutive de Quercus, perceptible au seul regard de la science des hommes, sans même invoquer celui des chênes dont le verdict serait encore plus cruel pour l’homme. Place à Quercus sapiens à côté d’Homo sapiens

 

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